De Fotso à Mokam en passant par Noutchogouin, des holdings-héritages à rudes épreuves
À la requête d’Alain Christian Monkam, avocat basé à Paris et fils du milliardaire camerounais Pascal Monkam, décédé le 27 février 2021 en Afrique du Sud, le tribunal de première instance de Douala-Bonanjo, dans la capitale économique du pays, vient d’ordonner la mise sous administration séquestre des biens et actifs de cet opérateur économique de la première heure, inhumé le 10 avril 2021.
« Nous juge des référés, statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé d’heure en heure et en premier ressort (…), disons que les conditions de l’article 1961 du Code civil sont réunies en l’espèce à cause de la mésintelligence née et pour les disputes d’hoirie à venir, ordonnons en conséquence la mise sous administration séquestre de tous les biens meubles et immeubles personnels, titres, avoirs, coffres-forts, loyers, actions, dividendes et revenus du défunt Monkam Pascal», prescrit l’ordonnance prise par le tribunal, au terme d’une audience publique tenue le 27 mai 2021.
Par la même ordonnance, le tribunal désigne trois administrateurs séquestres devant percevoir à titre d’honoraires « 4% du montant des sommes recouvrées et administrées ». Cette ordonnance est « opposable aux actionnaires et administrateurs de la société des Établissements Monkam Pascal, aux dirigeants des hôtels susvisés (l’ensemble des hôtels La Falaise appartenant tous à M. Monkam), à la société anonyme des Brasseries du Cameroun (dont le défunt était le plus grand distributeur des produits) et à la société Ecobank (qui loue un immeuble appartenant au défunt)», souligne le tribunal.
Contacté par Investir au Cameroun depuis Paris, où il réside, Alain Christian Monkam, qui dans cette bataille fait front contre les cinq veuves laissées par son défunt père et ses quinze frères et sœurs, ne semble savourer que timidement sa victoire, au regard des voies de recours qui s’offrent encore à ses « adversaires ».
«L’ordonnance est immédiatement exécutoire. Je ne suis pas à cette heure informé d’un appel. Mais, vu l’ampleur de la décision, je ne doute pas qu’il y ait appel. L’appel n’est pas en lui-même suspensif, sauf requête spéciale auprès du président de la Cour d’appel », confiet-il, laissant ainsi subodorer que la bataille judiciaire pour le contrôle de l’héritage du milliardaire Pascal Monkam pourrait être bien longue.
En effet onze héritiers ont fini par interjeter appel et une audience en défense d’exécution provisoire a eu lieu le 25 juin 2021. Le cas emblématique de Soppo Priso. Pour rappel, c’est au lendemain du décès de son géniteur qu’Alain Christian Monkam avait saisi la justice camerounaise, pour être «autorisé à assigner à bref délai aux fins de désignation d’un administrateur séquestre des biens» de son défunt père.
« De son vivant, Monsieur Monkam Pascal gérait lui-même ses affaires. Il récupérait ou faisait récupérer le chiffre d’affaires de chacun de ses établissements. Aujourd’hui, il y a lieu de craindre que chacun de ces dirigeants fasse sien le chiffre d’affaires de chaque établissement », peut-on lire dans la requête. Se fondant sur les textes juridiques, le requérant explique que sa démarche vise à sécuriser les comptes bancaires du groupe, vérifier le bon encaissement du chiffre d’affaires de chacun des établissements, et vérifier toutes les dépenses en s’assurant qu’elles sont bien effectuées dans l’intérêt de l’empire bâti au Cameroun par feu Pascal Monkam, qui détient également d’importants actifs dans l’hôtellerie en Afrique du Sud.
Cette nouvelle bataille entre héritiers pose le problème de la survie des holdings familiales camerounaises, après la mort du fondateur.
En effet, lorsqu’ils sont aux affaires, très peu parmi les pionniers de l’investissement privé au Cameroun acceptent d’adopter des règles de gouvernance plus structurées, où les mécanismes de gestion et de transmission des pouvoirs de décision sont connus de toutes les parties prenantes. C’est ainsi qu’après le décès des fondateurs respectifs des groupes Fotso, Kadji, Noutchogouin…, il y a quelques années, le fonctionnement de leurs entreprises n’a pas manqué d’être perturbé par ces conflits entre héritiers.
Le cas le plus emblématique des avatars des batailles successorales au Cameroun est certainement celui du milliardaire Paul Soppo Priso, dont la succession n’a toujours pas été vidée, plusieurs décennies après son décès. Dans l’intervalle, l’empire fondé par cet homme politique et opérateur économique des premières heures du Cameroun indépendant a disparu, tandis que les rares actifs traçables servent davantage à rémunérer les experts judiciaires qu’à assurer le bien-être de sa descendance.
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