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Par la Rédaction

Emmanuel Macron contaminé au coronavirus, ça va changer quoi ?

Pas de panique, la Constitution de la Ve République prévoit ce cas de figure

L’Elysée a annoncé ce jeudi que le président de la République avait été testé positif au Covid-19. Emmanuel Macron va donc s’isoler une semaine.


Au niveau institutionnel, cette situation a été prévue, y compris si l’état de santé du chef de l’Etat devait s’aggraver.

Niveau communication politique, les avis divergent sur les conséquences potentielles sur l’image d’un Président malade.


Bien sûr, 2.409.062 Françaises et Français ont déjà été officiellement testés positifs au Covid-19 depuis le début de la crise. Mais l’annonce, ce jeudi, du test positif et de la mise à l’isolement d’Emmanuel Macron n’est évidemment pas anodine. Parce que quand on est président de la République française, on concentre beaucoup de pouvoirs. Et nos cas contacts sont potentiellement nombreux et importants : le Premier ministre, Jean Castex, l’autre tête de l’exécutif, a déjà annoncé qu’il se mettait lui aussi à l’isolement ; le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, quatrième personnage de l’Etat… et même le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez. La liste des cas contacts ne fait sans doute que commencer.


Pour autant, au niveau politique, pas de panique : « Les institutions savent faire », indique, serein, le chercheur au CNRS et au Cevipof Bruno Cautrès, interrogé par 20 Minutes. La question de la santé du chef de l’Etat, en tout cas de sa capacité à exercer ses fonctions, est abordée dans la Constitution de la Ve République. Elle prévoit trois cas de figure, du plus grave au plus « léger ».

Un scénario « à la Baron Noir » pas très probable

Evacuons d’abord, le scénario extrême, celui du décès d'un président de la République pendant son mandat : cela s'est déjà produit en 1974 à la mort de Georges Pompidou. « C’est bien sûr très très peu probable compte tenu de l’âge d’Emmanuel Macron et de la létalité de la maladie. Mais dans ce cas, une nouvelle élection doit être organisée dans un délai de vingt à trente-cinq jours. » Dans l’intervalle, c’est le président du Sénat, aujourd’hui Gérard Larcher, qui devient président par intérim.

Ensuite, il y a « l’empêchement » du chef de l’Etat. Une formulation suffisamment large pour recouvrir des tas de situations : les fans de la série politique Baron Noir le savent bien. Cette disposition de l’article 7 de la Constitution de 1958 est utilisée dans la dernière saison de la série. « Dans notre cas, il faudrait imaginer un président alité, qui ne peut pas se lever, qui a mal à la tête, du mal à parler. Une sorte donc d’empêchement important et provisoire qui l’empêche de travailler », décrit Bruno Cautrès.


L’isolement sanitaire n’empêche pas d’être président de la République


Le gouvernement devrait alors se saisir de la question pour demander son avis au Conseil constitutionnel. C’est lui, à la majorité de ses membres, qui décide si les pouvoirs du président de la République doivent être transférés au président du Sénat. Tous les pouvoirs, à l’exception de l’article 11 (la convocation d'un référendum) et de l’article 12 (la dissolution de l’Assemblée nationale). Malin. « Nul doute que des expertises médicales seraient demandées par le gouvernement ou le Conseil constitutionnel », ajoute le chercheur.

Enfin, troisième hypothèse, « la plus probable », pense Bruno Cautrès : que tout cela n’aille pas plus loin que la mise à l’isolement pendant une semaine d’Emmanuel Macron. « Une quarantaine ne l’empêche pas d’exercer ses fonctions. Il n’est pas empêché d’être président de la République. Et je ne doute pas qu’il va communiquer sur le fait qu’il travaille toujours. Il va clarifier sa situation et ne se privera pas d’envoyer des messages », prévoit le chercheur au CNRS et au Cevipof.


Une tache ?


C’est justement l’autre question qui se pose avec cette contamination présidentielle : celle de l’image. Il est possible que le symbole fasse un peu tache : « Il y a eu une part d’inconscience de la part du président de la République alors qu’il voit beaucoup de gens, sans doute trop », estime Virginie Martin, politologue et chercheuse à Kedge business school auprès de 20 Minutes. C’est vrai qu’il y a eu des réunions gouvernementales, européennes même : si les institutions tiendront sans aucun doute le choc, cela grippe un peu la machine en pleine préparation de la campagne de vaccination. « A-t-on vraiment besoin d’avoir un président qui est tout le temps au contact en pleine crise sanitaire ? », s'interroge la politologue.


Emmanuel Macron a reçu à déjeuner les présidents et présidentes de groupes parlementaires de l’Assemblée nationale à déjeuner mardi, alors que les restaurants sont fermés. Les cadres de la majorité (notamment François Bayrou et Christophe Castaner) se trouvaient à l’Elysée mercredi soir. A chaque fois, ils n’étaient bien sûr pas que six autour de la table. L’opinion pourrait-elle lui en tenir rigueur ? Virginie Martin, ne se risque pas au jeu des pronostics mais y voit le symbole d’une gestion de crise « en accordéon, chaotique ».


Un piège pour les oppositions


« On a un peu l’impression qu’Emmanuel Macron a voulu jouer au héros. Le gouvernement répète sans cesse qu’il faut respecter les gestes barrières, il infantilise beaucoup. Mais sur les images, on voit bien qu’ils ne les respectent pas toujours bien eux-mêmes. » Pour elle, c’est carrément la question de l’adhésion de la population aux messages sanitaires du gouvernement qui peut se retrouver mis en cause sur le ton du « on nous gronde depuis des mois mais il tombe lui-même malade ».

L’avis de Bruno Cautrès est pourtant diamétralement opposé. Selon lui, le président de la République s'emploie depuis des mois à montrer ostensiblement qu’il respecte les gestes barrières : « On le voit toujours avec un masque, lors de son interview chez Brut on a même l’impression qu’il a vraiment voulu montrer qu’il se lavait bien les mains. Je pense que le risque viendra plutôt des leaders de l’opposition qui essaieront de se servir de cet épisode. Ça serait très mal vu dans l’opinion. »


Storytelling attendu


Gare néanmoins au récit qu’Emmanuel Macron pourrait vouloir faire de sa contamination au Covid-19. « Il va être intéressant de savoir comment il va tenter de retourner en sa faveur un événement qui n’aurait pas dû se produire », note Virginie Martin. Dans ce cas, il y a deux précédents : les contaminations et hospitalisations de Boris Johnson, le Premier ministre britannique, au printemps, et de Donald Trump, le président américain alors en campagne, en octobre.


« La communication de Boris Johnson a vraiment été un modèle du genre, se souvient Bruno Cautrès. A sa sortie d’hôpital il fait une interview, très courte, de trois ou quatre minutes, où il va trouver des mots simples, remerciant les soignants par leur prénom, il a rendu hommage au service public de la santé. Un symbole pour un Premier ministre conservateur ! » Résultat : l’évaluation des Britanniques de la gestion de la crise par le gouvernement était à l’époque bien meilleure qu’en France. Donald Trump lui, depuis de long mois dans une position de défiance vis-à-vis des gestes barrières, avait continué à jouer la provocation. Le président républicain avait plutôt perdu des points dans les sondages.


En France, il n’y aura sans doute pas d’effets en positif ou en négatif à attendre sur la popularité d’Emmanuel Macron. « C’est un personnage public qui doit être jugé comme tel », tranche Virginie Martin, qui pense que l’état de santé de l’homme n’a pas à « attendrir » l’opinion publique. Bruno Cautrès est lui plus prosaïque : « L’image d’Emmanuel Macron est déjà saturée par des tas d’autres choses. Ceux qui l’adorent continueront à l’adorer et ceux qui le détestent continueront à la détester. Cet événement ne bougera pas les lignes. » En attendant, et depuis que vous avez commencé à lire ce papier, Charles Michels, le président du Conseil européen et le Premier ministre portugais Costa, se sont eux aussi déclarés cas contacts et ont été placés à l'isolement. To be continued.



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