Etoudi: les vérités cachées par le régime Biya sur une transition politique enclenchée depuis 2018
A quoi s’occupe le président au moment où son parti fête le 39e anniversaire de son accession à la magistrature suprême ? Esquisse de portrait d’un homme qui a appris à vivre loin de la cohue.
Cette année encore, il ne fallait pas s’attendre à voir Paul Biya dans une des parades organisées par les thuriféraires du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) pour fêter le 39e anniversaire du Renouveau. Le président n’a pas dérogé à sa règle d’or : rester discret. Comme à son habitude, il a soufflé cette 39e bougie loin des regards, probablement avec certains proches, surtout ceux de sa famille nucléaire.
« Cette discrétion tient du fait que la date du 6 novembre commémore l’accession du président Paul Biya à la magistrature suprême. Étant une fête à caractère nationale, le président sait pertinemment que sa présence marquée aux festivités organisées par le parti dont il est le président légitimerait l’idée de parti État que se fait la majeure partie de la société camerounaise », explique un habitué du palais présidentiel. Un entredeux entre président de la République et président du parti qu’il a beaucoup de mal à assumer.
Notre interlocuteur se rappelle pourtant que les premiers idéologues du Rdpc, qui naît en 1985, avaient proposé à Paul Biya de se décharger de la fonction de président du parti. Une proposition qu’il avait semblé accepter, mais jusqu’au bout, il a gardé la main sur le parti. Pour quelle raison ? « Avoir le contrôle total », poursuit notre source.
Héritage
Cette analyse n’est pas nouvelle. La presse internationale l’a toujours peint comme « un dictateur », voire « un despote ». Des épithètes qui t’horripilent au plus haut point, si on en croit certaines indiscrétions. La raison est fondée : au mitan des années 1980, dans une interview qu’il accorde à une radio française, Paul Biya laisse entendre qu’il veut qu’on se souvienne de lui comme celui qui a amené la démocratie au Cameroun. Trois décennies après, celui qui passait pour un démocrate ‘est de plus en plus présenté comme un tyran dans l’opinion nationale et internationale.
Si cet héritage sombre n’arrange pas Paul Biya, ce dernier, grand taiseux, a toujours laissé le soin aux autres d’organiser la riposte pour soigner son image. Les cadres du parti au pouvoir n’ont de cesse de dire que les libertés s’expriment avec plus de 300 partis politiques. En guise de réponse, les observateurs avertis de la scène politique rétorquent que ce foisonnement des partis politiques n’est qu’une « démultiplication scissipare du parti unique ».
A défaut d’utiliser ses collaborateurs, le locataire du palais d’Etoudi a souvent fait venir des cabinets de communicants dans le but de soigner son image. « Mais ces stratégies sont déjà à bout de souffle. Le temps a fait son effet », fait savoir la source citée plus haut.
Pour ce dernier, l’heure est à la transition, au passage de témoin. Alors que la chronique populaire s’attend à voir le président désigner son dauphin et d préparer son départ, lui, il garde le silence. Comme à son habitude. En 39 ans de pouvoir, cet ancien séminariste a toujours utilisé le silence comme une arme politique. Rester atone lui a toujours donné la possibilité de s’approprier un avantage dans une situation donnée ou de ne pas en assumer les conséquences en cas d’échec puisqu’il n’a rien dit.
Depuis sa réélection en 2018, le président garde le silence sur l’éventualité de passer la main. Ce qui laisse la place aux nombreux opportunismes. C’est le cas avec Henri Eyebe Ayissi, le ministre du Cadastre et des affaires foncières, qui appelle le président à se présenter en 2025. Une sortie qui peut se transformer en boule de neige.
Mystère
Mais loin de ce manège, les partenaires au développement souhaitent voir clair dans le jeu de la transition. Ils veulent lever toutes les zones d’ombre en multipliant des propositions. La plus concrète est celle d’un gouvernement de transition. Sa particularité est qu’il devra être restreint si jamais le palais d’Etoudi l’accepte, comme nous le confie un diplomate occidental en poste à Yaoundé.
On apprend en plus que ce gouvernement de transition aura -pour but de préparer l’après Biya en « mettant sur pied de nouvelles bases consensuelles ». Malheureusement pour les défenseurs de ce gouvernement de transition, qui devait prendre effet juste après la présidentielle de 2018, le temps commence à se faire long. Et le mystère maintenu par Paul Biya continue de faire languir.
Encore quatre ans avant ‘l’élection présidentielle de 2025: En attendant, le Cameroun avance dans la,buée sans savoir ce que lui réserve demain.
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