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Guerre Victor Fotso vs Yves-Michel Fotso: Jeune Afrique fait des révélations

Dans la famille Fotso, les relations n'ont jamais été bonnes. Des tensions ont opposé Victor Fotso, le père au à Yves-Michel Fotso son fils.

Au lendemain de la mort de Victor Fostso, Camerinfos.net vous dévoile les coulisses de cette guerre, grâce à cet article de nos confrères de Jeune Afrique. Lisez Entre le patriarche Victor Fotso et son héritier présumé, Yves-Michel, incarcéré depuis plus d’un an à Yaoundé, le torchon brûle. Des tensions qui minent le conglomérat familial camerounais, déjà durement touché par la concurrence asiatique. Les solutions pour relancer l’activité sont rares. Entre Victor Fotso et Yves-Michel Fotso, c’est la rupture. Le premier, 86 ans, est le président fondateur d’un empire familial présent dans l’industrie, l’agroalimentaire, la banque et les services. Et le deuxième, 51 ans, est l’héritier déchu, qui trônait, jusqu’en décembre dernier, au poste de vice-président exécutif d’un groupe emblématique du Cameroun, avec un chiffre d’affaires évalué à 500 milliards de F CFA (762 millions d’euros) – un montant invérifiable vu l’opacité du groupe.

Aucune conciliation ne semble plus en mesure de rapprocher l’ex-golden boy embastillé à la prison centrale de Yaoundé depuis décembre 2010 et qui était devenu en 1999 le patron exécutif du conglomérat familial, et son père. Le conflit s’aggrave et menace l’existence même du groupe, qui a employé jusqu’à 5 000 salariés. Le 22 décembre a été publié le procès-verbal de l’assemblée générale mixte du 27 mai. Il prenait acte de manière laconique de la sortie du groupe de deux sociétés : SFA Cameroun (spécialisé dans le montage et la recherche de financements ainsi que dans le rachat de créances publiques) et CFH Cameroun (filiale de Capital Financial Holdings, qui coiffe les activités de Commercial Bank). Une décision excluant de facto de l’exécutif du groupe Yves-Michel Fotso, fondateur et président du conseil d’administration des deux sociétés. Le même jour, Joseph Fotso avait été coopté au conseil d’administration. S’il n’appartient pas à la famille, ce dernier officie dans le conglomérat depuis plusieurs années : il a été le patron de SFA Gabon avant d’intégrer le groupe Commercial Bank pour en gérer l’informatique et la monétique. Joseph Fotso est-il le futur homme fort du groupe ? « Pour l’instant, nous n’en savons rien », déplore un chef d’entreprise membre du Groupement interpatronal du Cameroun. Il n’est pas sûr que l’orage qui a tiré Victor Fotso d’une paisible retraite à Bandjoun (ouest du pays) soit terminé. Affaire Albatros Fin de partie pour Yves-Michel Fotso ? Son ascension fulgurante a en tout cas été brisée par l’éclatement de l’affaire Albatros, née de soupçons de détournement de fonds publics destinés à l’achat (avorté) d’un Boeing présidentiel. L’infortune de l’héritier, choisi par Victor Fotso au sein d’une fratrie comptant une bonne centaine d’enfants, enhardit certains de ses frères et sœurs, qui mettent tout en oeuvre pour le déstabiliser. Pris en étau entre les vieilles rancunes familiales et les rivalités professionnelles exacerbées, Yves-Michel Fotso est poussé vers la sortie et officiellement « mis en réserve » de l’entreprise. Il est vrai que son indisponibilité commençait à en entraver la bonne marche. D’autant que le verdict ne semble pas près de tomber dans son affaire, dont l’instruction pourrait encore durer. Loin de se limiter au monde des affaires, la rupture entre les deux hommes est passionnelle. Selon ses proches, le fils n’a pas supporté le silence du père depuis le déclenchement de ses ennuis judiciaires. Victor Fotso est pourtant réputé proche du président de la République, Paul Biya, qui suit de près l’affaire Albatros. Le patriarche n’a pas assisté au mariage de son fils, célébré à la prison de Yaoundé en mai dernier. Il ne l’a revu que le 9 juin, dans une pièce du pénitencier, lors d’une conciliation. Peine perdue. Victor Fotso n’est pas sorti de sa réserve. Il sait ce qu’il doit aux régimes d’Ahmadou Ahidjo et de Paul Biya, qui ont favorisé son ascension. Cet autodidacte a par exemple obtenu l’unique agrément délivré au Cameroun pour la fabrication de piles électriques, en récompense de services rendus au pays ; il avait notamment offert 600 bouteilles de champagne Laurent-Perrier Grand Siècle pour le bal du dixième anniversaire des indépendances, en janvier 1970…

Les défis du groupe Fotso S’il prenait les rênes du groupe, Joseph Fotso n’aurait, lui, nul motif de sabler le champagne. Son premier défi : juguler la baisse d’activité qui menace de ruiner les entreprises du pôle industriel. La contrefaçon et l’invasion du marché par les produits asiatiques ont fragilisé les fleurons comme Pilcam. Cette unité de production de piles électriques, basée à Douala, employait 800 personnes et réalisait 13 milliards de F CFA de chiffre d’affaires en 2007 (son dernier résultat connu). Un chiffre en baisse de 2,4 milliards de F CFA par rapport à 2006. Importations massives et contrebande sont à l’origine de la cession, en juillet 2010, de la fabrique d’allumettes Unalor, au Cameroun. L’activité de Safca, leader de la fabrication des cahiers dans la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), a fondu de moitié, à 2 milliards de F CFA. La société s’est diversifiée dans l’imprimerie et a absorbé Sopicam (insecticides) et Fabasem (emballages), deux entités du groupe. Hors de ses frontières, le conglomérat a dû fermer ses usines d’allumettes et de piles au Mali, au Sénégal, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, au Liberia, au Ghana et en Angola. Pour contrer ces difficultés, Yves-Michel Fotso avait tenté de jouer la carte asiatique. En janvier 2007, il était devenu résident de Singapour, autant pour échapper aux premiers soupçons distillés contre lui dans son pays que pour trouver, dans la région, des investisseurs pour son groupe. Il souhaitait aussi négocier la formation de coentreprises avec des industriels chinois afin d’importer des produits (allumettes, piles électriques…) sur le continent. Une stratégie qu’il n’a pu faire aboutir, rattrapé par une machine judiciaire aussi sélective qu’impitoyable.

Et pourtant, les déboires du pôle industriel sont presque anodins par rapport au cataclysme qui a dévasté les activités financières et bancaires, fierté de l’ex-patron incarcéré. Alors qu’ils se montaient à 18 millions d’euros en mai 2008, les fonds propres du fleuron Commercial Bank-Cameroun (CBC) se sont révélés quasi inexistants en 2009, si l’on en croit tout au moins les termes d’un audit de la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac). Conséquence : en novembre 2009, l’instance de régulation plaçait l’établissement, ainsi que ses filiales au Tchad, en République centrafricaine et à São Tomé e Príncipe, sous administration provisoire. En même temps, la Cobac retirait son agrément à SFA Cameroun. Au 31 décembre 2009, les pertes cumulées étaient évaluées à 8,6 millions d’euros, selon le même audit. Dans le collimateur de la Cobac Pourtant, au temps de sa splendeur, en 2007, quand la Société financière internationale (SFI, du groupe Banque mondiale) et la Banque européenne d’investissement (BEI) frappaient à la porte pour entrer au capital, le groupe Commercial Bank affichait un total de bilan de plus de 260 milliards de F CFA et employait 600 salariés. Pour expliquer l’évaporation des fonds propres de la banque, la Cobac a conclu que des crédits « ont été octroyés essentiellement à des entités qui font partie du groupe Fotso, principal actionnaire, ou à des bénéficiaires considérés comme sensibles ou douteux ». De plus, le groupe a perdu 20 milliards de F CFA, investis pour s’implanter en Guinée équatoriale (un siège avait été construit), après la décision par les autorités de Malabo de l’empêcher d’y exercer toute activité bancaire, en 2002. Depuis la fin de 2009, SFA et Commercial Bank sont placés sous l’autorité d’un administrateur judiciaire, Martin Luther Njanga Njoh. Fin novembre dernier, il a lancé un appel pour ouvrir le capital de CBC à d’éventuels investisseurs. Le versement de 42 milliards de F CFA de dommages et intérêts par l’État équato-guinéen à la suite d’une décision de novembre 2011 de la cour d’arbitrage de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada) pourrait apporter une belle bouffée d’oxygène au groupe. Pour l’instant, les détracteurs d’Yves-Michel lui reprochent d’avoir « bluffé » son père en propulsant dans l’univers de la finance, mêlant jeux financiers et innovations comptables complexes, un groupe familial spécialisé à l’origine dans le négoce, la manufacture et la chimie. Yves-Michel Fotso a-t-il manqué de rigueur dans la gestion ? Lui se dit victime d’un complot. En décembre 2010, il écrivait à Amadou Ali, ministre de la Justice du Cameroun : « Alors que j’ai obtenu la confiance de deux groupes bancaires de renom, Qatar Islamic Bank et le groupe NSIA de Côte d’Ivoire, le mandataire de la Cobac, constatant des avancées substantielles dans les négociations engagées, n’a rien trouvé de mieux que d’entrer en contact avec les investisseurs potentiels pour distiller des allégations incroyablement alarmistes sur la situation de la banque et celle de son promoteur Yves-Michel Fotso. » Difficile de voir aujourd’hui comment le groupe pourra rebondir et panser ses plaies. La société de transport privé Air Leasing, créée par Yves-Michel Fotso en 2004, a cessé de voler le 26 juin dernier. Ses trois appareils sont cloués au sol et l’homme d’affaires s’est brouillé avec ses actionnaires, compromettant la reprise de l’exploitation. Aujourd’hui, l’empire Fotso n’a plus que quelques planches de salut. Outre l’immobilier (Compagnie internationale de services), il peut s’appuyer sur la bonne tenue de sa branche agroalimentaire : l’activité de Proleg, fournisseur en haricots verts du français Bonduelle, avec un chiffre d’affaires estimé à 24 milliards de F CFA, reste bien orientée. Tout comme l’activité bancaire au Tchad, où le conglomérat conserve 17 % de Commercial Bank of Tchad. Un bilan bien maigre pour un groupe dont l’image risque d’être durablement entachée par des « affaires » douteuses selon les uns, par un acharnement judiciaire infondé si l’on en croit le détenu de Kondengui.

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