La chasse aux gendarmes lancée à Bafoussam
Cyrille Essoubat Epanda a succombé à une balle tirée par une gendarme. Le film de deux jours de violence dans la ville de Bafoussam.
Au moment où nous quittions les lieux, ce 10 mai 2020 à 17 heures, une barricade empêche une circulation fluide au lieu dit «abattoir de Bafoussam». L’obstruction, constituée de roues de véhicule incendiées et de débris de comptoirs, a été installée dans la matinée par les riverains et autres employés de l’abattoir, en geste de solidarité avec le défunt Essoubat Epanda Cyrille mort des suites d’une balle tirée à la tête par le commandant de la brigade de Kam (1er arrondissement de la ville de Bafoussam). De sources proches des évènements, l’affaire débute dans l’après midi du 9 mai 2020. Un groupe constitué de quatre personnes jouent aux cartes dans un espace de l’enceinte de l’abattoir de Bafoussam quand ils entendent une détonation non loin du lieu où ils se trouvent. «J’ai vu une dame en civil qui tenait une arme pointée vers nous et je me suis mis à courir.» raconte Théodore (nom d’emprunt) que nous avons rencontré.
La même source indique avoir été suivie par deux autres de ses compagnons de jeu, pris en chasse par des gendarmes dont certains finissaient d’escalader l’enceinte de l’abattoir de Bafoussam. «Ils m’ont interpellé ainsi qu’un ami. L’autre à réussi à sortir de l’abattoir et il est parti.» raconte la même source. Les deux joueurs empoignés par les gendarmes retournent sur leurs pas et découvrent le corps de Cyrille Essoubat Epanda gisant dans une mare de sang et de la matière cervicale. «Le commandant de la brigade de Kam qui est resté derrière nous a dit que Mbô (surnom du décédé) est tombé et s’est blessé.» Notre source porte le «blessé», dans l’optique de le transporté d’urgence à l’hôpital. «Le commandant nous demande d’emprunter un taxi. Ce que nous refusons.» Au regard de la foule qui s’agrandit et la tension qui monte, Cyrille Essoubat Epanda est finalement porté sur la banquette arrière du pick-up de la gendarmerie pour l’hôpital régionale de Bafoussam.
Véhicules saccagés
Quelques minutes après, la foule constituée des habitants du quartier, de quelques employés de l’abattoir (dont la majorité des joueurs sont employés) ainsi que des moto-taximen décide de suivre le véhicule de la gendarmerie. D’autres sources rencontrées sur les lieux indiquent avoir cru que le véhicule se dirigeait vers la brigade de Kam. Arrivée à la brigade, ils apprennent que le véhicule a plutôt pris la direction de l’hôpital régional de Bafoussam où ils retournent, rejoint en cours de route par d’autres habitants du quartier et des mototaxis qui s’y joignent. Dans le même temps, Denis Elat, frère aîné de Cyrille Essoubat, alerté rallie l’hôpital régionale de Bafoussam où il trouve le véhicule de la gendarmerie avec à son bord le commandant de la brigade de Kam et l’un de ses collègues. «Elle m’a dit que mon frère est tombé et s’est blessé.» En compagnie du commandant, il rentre dans le bureau du médecin d’astreinte qui lui indique que son frère est admis aux urgences, «dans le coma» avant de lui signifier quelques minutes plus tard qu’il est mort.
Des sources proches des urgences indiquent à cet effet que Cyrille Essoubat est arrivé mort à l’hôpital. «Nous ne pouvions pas le dire à toutes ces personnes quand elles sont arrivées ici.» La foule qui a envahis l’enceinte de l’hôpital est mise au courant de la situation et la tension monte d’un cran. D’autant plus, raconte le frère aîné de la victime que certains personnels de l’hôpital sont surpris entrain de conduire le corps de Cyrille Essoubat à la morgue, alors que son frère aîné essaye de retrouver le commandant de la brigade de Kam et ses collègues qui restent introuvables. Nait alors un vent de violence qui débute avec la récupération de la dépouille par la foule qui entend engager une procession vers les services du gouverneur de la région de l’Ouest. Dans le même temps, la foule casse et incendie le véhicule de la gendarmerie garé sur la cour de l’hôpital. Quelques temps après, les porteurs de la dépouille se ravisent et reviennent vers l’hôpital pour y déposer le corps. Ils y trouvent les urgences et la morgue fermées.
Ville envahit par des actes de violence
La foule décide alors de prendre la direction de la brigade de Kam pour y déposer le corps de Cyrille Essoubat. Elle aussi fermée. «Une partie de la foule et des mototaxis a pris le chemin de l’hôpital de Mbouo-Bandjoun pour y déposer le corps tandis que les autres ont repris le chemin du quartier» raconte une source proche des évènements. Chemin faisant, la foule en direction de Bafoussam rencontre le véhicule de service du commandant de la brigade de Bandjoun, au lieu dit carrefour Madelon et s’y attaque. Toutes les vitres seront brisées et l’officier de la gendarmerie nationale n’aura la vie sauve que grâce à ses capacités hatlétiques. Tout autour, enseignes, comptoirs et marchandises sont saccagés. Des brutalités qui se sont propagées au carrefour dit Le maire, obligeant les commerces tout le long de l’axe situé à l’entrée de la ville de Bafoussam à fermer. De retour au quartier Socada, des barricades interdisant l’accès aux forces de l’ordre y sont érigées.
La circulation entre l’entrée de la ville jusqu’à la Poste centrale de Bafoussam est restée bloquée pendant deux bonnes heures. Une situation qui prévaut jusqu’au moment où nous allions sous presse. Dans la matinée du 10 mai 2020, certains employés de l’abattoir de Bafoussam venus prendre le service ont été invités à fermer boutique par certains de leurs collègues. «En solidarité avec Cyrille Essoubat». Le décédé était employé de cette structure et étudiant en pharmacie dans une école de formation de la place. Toutefois, le maire de ville de Bafoussam s’est rendu au domicile familiale du défunt, dans l’optique d’appeler ses parents à descendre sur les lieux pour calmer le jeu. Nous n’avons pu joindre le Commandant de la légion de gendarmerie de l’Ouest dans l’optique d’avoir sa version dans ces colonnes. C’est que, le ressentiment provoqué par la mort des suites de balle de Cyrille Essoubat semble dépasser ce cadre. Affaire à suivre.
Source: cameroonweb.com
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