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Par la Rédaction

Covid-19: les intellectuels du RDPC interpellés

En cette période trouble marquée par des crises multiformes dont la crise du coronavirus ne va contribuer qu’à amplifier les frustrations, accentuer les colères mais aussi renforcer les fractures. Il me parait toujours nécessaire, pour penser le futur, pérenniser le lien social qui nous lie de réfléchir notre place dans la société.



Notre rapport à la vie et à la mort. Cette vie dont le coronavirus dépouille de toute la symbolique voir la gloire que nous lui avons toujours accordée. Cette vie dénudée par le passé symbole de notre puissance, dont son exercice nous a parfois fait croire à notre immortalité se retrouve immolée, désacralisée.



Dans cette réflexion sur “ nous”, sur notre en commun, il paraît fondamental face à ces corps dépouillés de leur sacralité, ces corps banalisés, torturés, ces familles qui ne peuvent pas faire leur deuil. Face à ces camerounais qui décèdent dans l’anonymat, ceux qu’on laisse mourir pour cause de manque de respirateurs, ceux qui dans leur domicile vivent coucher sur un lit le supplice de la fin d’une vie parce qu’il n’y a pas de médecins disponibles et le numéro d’urgence du ministère de la santé. Face à toutes ces tragédies nous devons interroger l’Etat dans lequel nous vivons. Ce n’est pas une mission en tant qu’universitaire mais un devoir moral.


Je reprend ici cette belle description d’Ambroise Kom de la situation camerounaise: “ Nous vivons dans une société sans État, totalement des-institutionnalisée car la figure du Chef de l’État, du haut de sa magnanimité, est toujours fétichisée. C’est lui qui autorise la moindre dépense et on lui doit toute action positive dans la vie de la nation. C’est juste si nous ne lui devons pas nos vies et l’air que nous respirons. De plus, la police et la justice de par leur fonctionnement mettent en danger la sécurité des citoyens, ce qui n’arrange pas les choses, dans la mesure où tout semble indiquer qu’on est en face d’un monde pénal qui favorise l’impunité et se désintéresse des victimes. Pris sous cet angle, l’on conviendra avec Xavier Bébin que la justice crée d’autant plus l’insécurité que non seulement l’impunité est devenue la règle, mais des criminels dangereux sont en liberté, au moment même où il est devenu tabou de questionner le fonctionnement de nos institutions judiciaires, au risque de se faire embastiller.


C’est à ce niveau en réalité que vous qui vous définissez comme des intellectuels devez intervenir. Pour rendre compte du quotidien, penser le devenir d’une société sans complaisance, de documenter la réalité, de rendre le savoir pertinent pour l’action. Car un bon diagnostic théorique permet aux modes d’action de contestation des pouvoirs de s’affiner pour obtenir une justice sociale. Un intellectuel combine indissociablement trois éléments; La passion de la vérité, l'éthique de la liberté et l'impératif de la justice.


Edward Said écrivait à ce sujet: " L’intellectuel est précisément doué d'une faculté de représenter, d'incarner, d'exprimer un message, une vision, une position, une philosophie ou une option devant-et pour- un public. Or ce rôle a ses règles, il ne peut être exercé que par celui qui se sait engagé à poser publiquement les questions qui dérangent à affronter l'orthodoxie et le dogme, quelqu'un qui n'est pas enrôlable à volonté par tel gouvernement et dont la raison d'être est de représenter toutes les personnes et tous les problèmes systématiquement oubliés”.


L’intellectuel est donc quelqu’un de fondamentalement engagé aux côtés des opprimés. De ceux qui subissent les injustices, les inégalités. Il ne saurait être une caisse de résonance des pouvoirs dominants. Ils doit accompagner ceux qui souffrent pour faciliter leur retour à l’humanité. Car comme le disait Aime Césaire pour le paraphraser, lorsqu’un être humain quelque part dans le monde est tabassé ou assassiné, c’est une partie de mon humanité qui est retirée.


Défendre ces camerounais qui se révolte contre l’Etat sauvage est une exigence morale. Comme Pierre Kropotkine écrivait: « je me révolte, donc nous sommes », puisque « Par la révolte, nous accédons à notre humanité, nous nous revendiquons et nous affirmons comme êtres humains envers et contre tout »


BORIS BERTOLT

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