Cameroun : Bekolo s’insurge contre le « commerce des âmes » en politique
- Par la Rédaction

- 10 août
- 2 min de lecture
Le Cameroun serait-il un « peuple de vendus »? Dans une tribune qui interpelle, le cinéaste Jean-pierre Bekolo s’interroge sur l’utilisation de l’argent public pour acheter les consciences.

Il assure que cette pratique reproduit une logique de « commerce des êtres humains », héritée de l’histoire, qui réduit l’autre à un simple objet.
« PEUPLE A VENDRE
Au Cameroun, contrairement à des pays comme le Sénégal, notre problème n’est pas seulement d’avoir des dirigeants qui refusent de partir, mais d’avoir des dirigeants qui ne savent pas partir. Jeune Afrique évoque déjà 78 millions d’euros – soit 50 milliards de francs CFA – probablement puisés dans les caisses de l’État. Voilà ce que coûtera aux Camerounais le départ… ou plutôt le refus de départ de Paul Biya en argent distribué dans ce sens. Et ce n’est qu’un chiffre parmi d’autres financements inconnus.
Un observateur posait une question troublante : pourquoi l’argent des Africains, peu importe le montant, ne produit-il jamais rien de grand ? Cette question prend tout son sens ici. Au Cameroun, l’argent public se distribue comme des cadeaux. Nous avons fait de la politique une culture de la générosité clientéliste.
Quand on se rappelle que dans les années 80, les Émirats arabes unis (Dubaï) et le Gabon avaient des revenus pétroliers comparables, on mesure l’écart abyssal entre ce qu’ils ont construit et ce que nous Africains avons dilapidé. C’est la preuve d’une incompréhension profonde de la nature, de l’usage et de la finalité de l’argent. Un malentendu hérité du colonialisme… tout comme notre conception même de la politique.
Le même observateur notait que, vu les sommes qui circulent dans les valises ou autres circuits parallèles, on pourrait croire, à la lecture des comptes publics, que le pays est un immense chantier. Mais non : cet argent ne sert qu’à acheter les consciences. Le spectacle de cette élection – avec ses transactions souterraines, ses tentatives d’achat d’hommes et de femmes – donne le vertige.
Ne serions-nous alors qu’un peuple de vendus? Nous sommes devenus maîtres dans le commerce des êtres humains, dans la corruption des esprits. Après avoir lutté contre l’esclavage, pour les indépendances, pour briser le joug colonial qui nous réduisait à l’état de marchandise, nous reproduisons entre nous la même logique : réduire l’autre à un objet, sans conscience.
Pourtant, ces 78 millions d’euros, investis intelligemment, auraient suffi, en quelques mois seulement avant le 12 octobre, à transformer radicalement l’opinion publique en faveur de Paul Biya. On aurait parlé non pas d’un vieux président accroché au pouvoir, mais du miracle d’un chef d’État que l’on croyait fini et qui aurait accompli en quelques mois ce qu’il n’a pas fait en 43 ans.
Pourquoi ne pensons-nous jamais ainsi ? Parce que nous avons intégré l’incapacité comme une culture. Au lieu d’être poussés vers la performance, la transformation, le miracle, nous pratiquons un vaudou politique, un vampirisme des consciences : neutraliser les esprits, empêcher tout changement. Et nous savons déjà que ceux qui s’accrochent ainsi au pouvoir, une fois restés, ne feront rien ».











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